Passé la saint valentin, Mars éclipse l'amour pour rendre l'importance aux déboires. Il n'y a plus rien de romantique ni dans les rues, ni dans les soirées qui s'étirent jusqu'à l'aube. Bien que pourvue de son caractère mielleux et intimiste, Blue Valley accueille de nouveau les colères de couples devant les devantures et les larmes des célibataires qui regardent les étoiles peintes sur le ciel depuis leurs balcons. Une énergie générale avec laquelle l'enjôleuse ambulante se sent davantage en adéquation. Et elle rayonne, surtout la nuit. Chantonne un pinceau dans la bouche et l'autre à la main. Assise par terre en tailleur sur le tapis, entre d'autres toiles inachevées qui encombrent le salon. Sa bonne humeur encouragée par la deep house projetée au travers des enceintes, sa concentration faiblit au moment où son cerveau demande une cigarette. Elle sort donc à la balustrade, allume la cancéreuse puis consulte les notifications de son mobile. Quand elle lit un message de Bastos lui demandant ce qu'elle fait, elle ne réfléchit pas avant de l'inviter à la rejoindre. Photo d'une bouteille neuve de gin à l'appui, elle répond si tôt à son texto. I'm bored. Wanna date with me ? Elle espère le voir débarquer après son service, débordant des mêmes intentions qu'elle : boire et compter sur la présence de l'autre. Parce qu'elle sait qu'avec lui, tout devient toujours un peu plus facile, un peu plus inspirant. Et peut-être qu'avec trois cocktails dans les veines, elle finira par enfin trouver comment achever l'une de ses œuvres. Et ça, ça fait des semaines que ça ne lui est pas arrivé. La faute à son désintérêt pour les cours, la faute à la pluie, la faute à la dernière dinguerie de Maria, la faute à cet inconnu qui l'harcèle anonymement sur les réseaux depuis quelques temps, la faute à la solitude. Qui la ronge. La bouffe. Lui rappelle qu'elle n'est plus une adolescente - qu'elle ne l'a jamais vraiment été, et que c'est pour ça, qu'elle fait des trucs d'adultes. Des trucs d'addicts.
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